Marie-Thérèse Franceschi


Marie-Thérèse Franceschi est née à Bir-Jdid en 1934. Ses grands-parents ont tenu, dit-on, le premier hôtel en planches à Casablanca sur la place où plus tard a été installée la statue du maréchal Lyautey juste en face du palais de justice. Son père, Jean-Baptiste Franceschi, né en 1889 à Bône (Algérie), était artisan forgeron et maréchal-ferrant. Après son divorce, il a connu sa seconde femme grâce à une annonce matrimoniale qu’il avait passée dans un journal de France. De cette deuxième union sont nés trois enfants : Louis en 1929, Jacques en 1931 et Marie-Thérèse en 1934. A Bir-Jdid, derrière le café-restaurant que tenaient M. et Mme Blanc, là où s’arrêtaient les cars Salinas et ceux de la CTM, se trouvaient la maison familiale et l’atelier du père. Les colons venaient y faire ferrer leurs chevaux et aiguiser les socs de leurs charrues. Marie-Thérèse se rappelle qu’à l’époque il n’y avait ni électricité ni eau courante.L’eau était tirée du puits creusé dans le jardin. Une longue racine d’eucalyptus descendait jusqu’au niveau du précieux liquide. Il faut dire que l’arbre était si énorme que les trois enfants se tenant par la main ne pouvaient faire le tour de ce géant. Dans la même rue où ils habitaient se trouvait une boulangerie tenue par les Buston, puis, après une longue période de fermeture, la famille Selva a repris ce commerce avec, tout à côté, la maison des Thiebault et enfin celle des Fraisse. Derrière vivait les Ayala et les Espinosa dont le père était charcutier. Sur la route nationale vers Casablanca, en face du café-restaurant des Blanc, se trouvait M. Clarton, plombier zingueur. La mère de Mme Franceschi, femme très active, devait faire face aux endettements successifs, aux pensions alimentaires impayées et au remboursement des lots attribués aux familles nombreuses. A l’époque, les Marocains l’avaient surnommée la « Toubiba ». Dès qu’il y avait une blessure au travail, une piqûre de scorpion, une plaie infectée, ils venaient se faire soigner. Selon sa fille, elle avait déjà devancé Coluche et le « restau du cœur »: en effet, tous les jours, elle préparait une grande marmite de soupe pour les mendiants de Bir-Jdid qui venaient chercher à manger avec leurs boites de conserves vides. Le jeudi, jour du souk local, le Docteur Dombre venait d’Azemmour pour consulter les habitants. Les accouchements se passaient à la maison et les voisines s’assistaient mutuellement. Lors de la Deuxième Guerre, Ben Omar, le mari de leur employée marocaine, s’était engagé dans l’armée française. Il fut prisonnier en Allemagne et Mme Franceschi lui envoyait régulièrement des colis. Jusqu’au retour de celui-ci, elle a hébergé, chez elle, sa femme Mina et son fils Mohammed. Ce garçon était né la même année que son fils Jacques et les deux enfants furent élevés ensemble comme des frères inséparables. Les jours où on devait absolument se rendre à Casablanca, la famille n’ayant pas de voiture faisait allégrement de l’autostop sur la route nationale bordée de chaque côté de magnifiques mûriers dont les fruits les régalaient. Ils avaient eu souvent l’occasion de monter en voiture avec M. Tolila ou avec M. Pierre Parent, homme très connu parmi les Français libéraux. Certaines traditions joyeuses persistaient à l’époque à Bir-Jdid. A la fête de l’Aïd Kebir (la fête du mouton), un Marocain se revêtait d’une peau de mouton et passait dans les maisons afin de récupérer quelques sous. A l’occasion de cette fête, les doukkalis leur offraient des friandises locales. En 1948-49, Marie Thérèse est pensionnaire au collège de Mazagan et, la même année, elle sera opérée de l’appendicite par le docteur Antoine Paoletti. En 1950, elle quitta Bir-Jdid pour vivre à Casablanca. Son père aussi dut fermer sa forge et partit travailler à Casablanca, sur le navire « Jean Bart » mis à quai pour réfection. En janvier 1951, elle revint pour les obsèques de son frère Jacques, mort à 19 ans dans un accident de travail au chantier du barrage d’Imfout. Un cortège de plus d’un kilomètre comptant de nombreux doukkalis l’accompagna au cimetière de Bir-Jdid. Ce fut la dernière fois que toute la famille se réunissait. Par la suite, celle-ci s’est complètement dispersée dans différentes régions de France. Marie-Thérèse et sa mère sont rentrées en France en 1957, avec une malle de vêtements et un contrat de travail chez un grand coiffeur à Clermont-Ferrand. Il leur a fallu bien du courage pour vivre d’abord dans une chambre meublée avant d’avoir un petit appartement. Elles ne pouvaient compter que sur elles-mêmes car tous les autres membres de leur propre famille métropolitaine étaient persuadés qu’elles avaient fait fortune au Maroc. Les deux femmes ne se sont jamais éloignées l’une de l’autre jusqu’au décès de la mère en 1994 à l’âge de 93 ans. Toutes deux parlaient beaucoup du Maroc et de Bir-Jdid, berceau de leurs souvenirs. Pour Marie-Thérèse, « le Maroc est une terre d’accueil, un pays envoûtant. Je n’ai aucun regret, rien que de la nostalgie ». Ainsi en est-il de beaucoup d’anciens du Maroc.
Le Maroc est une terre d’accueil Par Mustapha JMAHRI (Ecrivain) 

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